L'Italie débordée par le débarquement d'immigrants sur ses côtes
LEMONDE.FR | 12.09.04

L'ampleur des arrivées a contraint les autorités à organiser une évacuation d'urgence du plus grand nombre possible d'immigrants vers des centres de rétention temporaire. Un débarquement record d'immigrants clandestins a eu lieu dans la nuit du samedi 11 au dimanche 12 septembre, en Italie sur l'île de Lampedusa située entre l'Afrique et la Sicile, créant une situation à la limite du soutenable pour les autorités italiennes, les amenant à convoquer l'ambassadeur de Libye à Rome. Quelque 650 immigrants sont arrivés à Lampedusa à bord de deux embarcations successives, alors que le centre d'accueil de l'île, chargé des premiers soins et contrôles de police, prévu pour 200 personnes, était déjà saturé. Lampedusa est la première terre italienne sur la route des immigrants embarquant clandestinement sur les côtes africaines. Au point de traversée le plus court, Lampedusa est à 138 km de la Tunisie et environ 300 km de la Libye. UNE ÉVACUATION D'URGENCE La liste des arrivées illégales s'est encore allongée avec un troisième débarquement de 130 personnes dimanche matin, près de Syracuse. Parmi ce dernier groupe, qui a déclaré avoir fui la Somalie et l'Erythrée, figuraient 30 femmes, dont cinq enceintes, ainsi que sept enfants. Les difficultés ont commencé samedi soir avec l'arrivée d'un premier bateau de pêche probablement parti de Libye et arraisonné par la police financière à environ 30 milles nautiques de l'île avec quelque 480 hommes entassés dedans. C'est "le plus gros débarquement" jamais vu à Lampedusa, a déclaré un fonctionnaire, épuisé par une longue nuit de veille pour effectuer les premiers contrôles d'identité et l'inspection du navire. Tous ont déclaré être Palestiniens mais, selon les premiers éléments d'enquête, ils seraient plutôt originaires d'Egypte ou d'autres pays d'Afrique du Nord. Il y avait quelques mineurs parmi eux, mais pas de femmes. Une deuxième embarcation avec 170 personnes à bord a été ensuite interceptée par les gardes-côtes, à seulement deux milles nautiques du petit port de pêche et de plaisance de Lampedusa. L'ampleur des arrivées a contraint les autorités à organiser une évacuation d'urgence du plus grand nombre possible d'immigrants vers des centres de rétention temporaire. Un premier ferry avec 70 personnes est parti dimanche matin pour Trapani dans le sud de la Sicile et quatre avions dont deux appareils militaires ont été réquisitionnés pour d'autres transferts dans l'après-midi vers Crotone. LA COLLABORATION INSUFFISANTE DE LA LYBIE "C'est une vraie invasion", a réagi Mario Borghezio, un élu de la Ligue du Nord, le parti de la droite populiste et xénophobe membre de la coalition gouvernementale de Silvio Berlusconi. La polémique n'est pas prêt de cesser car un journal local sicilien s'est aperçu que des clandestins avaient été relâchés à Augusta, à peine 24 heures après leur arrivée. La préfecture a confirmé leur remise en liberté, en raison de la saturation du centre local, en précisant que ceux-ci avaient un ordre de quitter le territoire sous 5 jours. Ce débarquement exceptionnel survient alors que les accords de coopération entre l'Italie et la Libye pour enrayer ces traversées illégales et dangereuses du canal de Sicile tardent à produire leurs effets. Des patrouilles communes le long des côtes libyennes doivent commencer le 16 septembre, selon une source policière. L'idée lancée par l'Italie d'ouvrir des camps de réfugiés en Libye semble en revanche avoir été provisoirement abandonnée. Le ministère italien des affaires étrangères italiens a annoncé dimanche avoir convoqué pour lundi matin l'ambassadeur de Libye à Rome après "l'afflux massif" d'immigrants clandestins. Dans un communiqué, le ministère indiqué que le chef de la diplomatie italienne Franco Frattini a donné instruction à l'ambassadeur d'Italie en Libye d'effectuer de son côté une démarche officielle auprès du gouvernement libyen. M. Claudio Pacifico demandera que Tripoli apporte un maximum de collaboration aux "initiatives déjà convenues pour lutter contre l'immigration clandestine", précise le ministère. La collaboration de la partie libyenne bute sur les prétentions du colonel Khadafi, désireux d'obtenir une réintégration à part entière dans le système de coopération internationale et la levée de l'embargo frappant encore certains matériels, à double usage civil et militaire. Le problème n'est "pas seulement italo-libyen mais aussi celui de l'Europe et de l'Afrique", avait déclaré M. Berlusconi, à l'issue de son déplacement le 25 août en Libye, laissant entendre que la balle est dans le camp de l'Union européenne.

Avec AFP et Reuters